Le papillon de l\'espoir

Le papillon de l\'espoir

Les bienfaits de la prière



« En réalité, qu’est-ce que la Prière ? – Pour le rationaliste, c’est une chose incompréhensible ; pour le mystique, c’est la chose du monde la plus simple à comprendre, parce que la prière est l’acte mystique par excellence.

La Prière, la vraie prière, est un élan du cœur par lequel on s’élève vers Dieu avec amour ; elle ne demande aucun effort. Le mystique, quand il pense à Dieu, ne peut pas plus réprimer son émotion, sa joie et sa confiance, que l’enfant qui, revoyant sa mère après une courte séparation, ne peut s’empêcher de se jeter dans ses bras. Et, chose trop peu connue, de même que la mère ouvre ses bras et court au-devant de son enfant, de même Dieu vient au devant de celui qui prie et le serre avec amour en ses bras, s’il m’est permis de parler des bras de Dieu ; mais l’anthropomorphisme est inévitable pour se faire comprendre.

A la rigueur, cette prière-là suffit à tout : qu’avons-nous besoin de demander au Père Céleste ? Le Christ ne nous a-t-il pas dit qu’Il sait tout ce dont nous avons besoin, avant que nous ne lui demandions ? Dieu ne pourvoit-il pas à nous fournir tout ce qui nous est nécessaire ? – « J’ai été jeune et j’ai vieilli : et je n’ai pas vu le Juste abandonné, ni ses enfants cherchant du pain. » - Cela est vrai, mais tous les hommes ne sont pas mystiques et capables d’un abandon aussi complet entre les mains de la Providence. Nous sommes donc obligés de considérer la Prière à un autre point de vue. Le mystique même, capable de pareils élans, éprouve le besoin de demander à Dieu, nominalement, ce qu’il désire. Et cela n’est pas défendu : bien mieux, Dieu aime à ce que nous le prenions comme confident et nous engage à lui demander tout ce dont nous croyons avoir besoin, soit dans l’ordre spirituel, soit dans l’ordre temporel.

Beaucoup de personnes croient qu’on ne doit demander à Dieu aucun avantage temporel : c’est une erreur. Il n’y a aucune offense à cela, à une condition toutefois : c’est qu’on ne tombe pas dans l’utilitarisme. On ne peut adorer en même temps Dieu et Mammon. Si je demande à Dieu de me guérir, ou de me faire trouver de quoi payer mon terme, ou toute autre chose, je peux obtenir ce que je demande, comme aussi ne pas l’obtenir. Si j’ai obtenu ce que j'ai demandé, je trouve cela fort commode, et j’ai tendance à ne plus demander, mais à exiger ce qui m’est dû et je ne mets à mes demandes aucune discrétion. Si, au contraire, je n’ai rien obtenu de ce que je demandais, me voilà tout découragé et je trouve qu’il est bien inutile de prier.

Combien de fois n’ai-je pas entendu : Oh ! tout ça c’est des bêtises ! J’ai bien prié, moi, mais n’ai jamais rien eu : alors à quoi bon ?

Parler ainsi est une grave offense envers la Sagesse et la Bonté Infinie de Dieu, qui sait mieux que nous comment il faut rendre justice à chacun.

Dans la prière tout doit être désintéressé : la demande qu’on fait peut avoir un but particulier, d’accord ; mais elle doit quand même reposer sur l’intérêt général, par exemple pour l’amour de notre prochain, pour lui venir en aide. Quand on n’agit pas dans ce sens, on tente de faire un marché avec Dieu : et ceci est un danger réel.

Quand on demande un avantage quelconque, il faut être prêt à dire du fond du cœur : Mon Dieu ! j’aurais bien voulu telle chose, vous ne me l’avez pas donnée : vous avez pour cela des raisons que j’ignore sans doute. Fiat !

Quand vous sentez en vous de pareilles dispositions, vous pouvez demander tout ce que vous voudrez : vous êtes sûrs de plaire à Dieu, loin de lui déplaire. Dieu veut que nous l’aimions, que nous nous unissions à Lui, mais il veut aussi que les hommes s’aiment entre eux et soient unis.

La prière spontanée est celle qui jaillit du cœur, forte d’une confiance inébranlable en la Bonté et la Sagesse de Dieu, qui ne veut que notre bonheur, mais qui aussi exige, de tout l’amour qu’Il a pour nous, que sa créature devienne parfaite. La prière spontanée est celle dans laquelle on parle à Dieu comme à une personne que l’on voit et pour laquelle on a grande affection. Dans cette prière on fait à Dieu ses petites confidences, on lui demande des conseils, on implore des grâces spirituelles, voire même les faveurs temporelles, on lui confie ses joies et ses peines, on le remercie de tout ce qu’on a déjà reçu, on lui dit qu’on l’aime de tout son cœur. Tout cela paraît difficile de prime abord, et je conviens que les premières fois on ne réussit guère : cela paraît si étrange, on se fait soi-même l’effet d’un halluciné. Mais on n’est pas longtemps à sentir la foi pénétrer en son âme, et bientôt ce genre de prière devient un besoin : on finit même par sentir constamment la présence de Dieu, et chaque fois qu’on est sur le point de mal faire, on Le voit s’attrister, et on se retient.

Certes, on peut faire des péchés tout de même : la nature est trop faible pour vaincre toujours le mal, mais au moins on ne pèche plus que par infirmité : la mauvaise volonté est absente, et le chagrin qu’on éprouve à chaque faute ressemble singulièrement à la contrition parfaite. Quand on est dans cette disposition d’âme, on ne demande jamais que ce que l’on sait agréable à Dieu et alors on obtient toujours ce que l’on demande.

Mais beaucoup de personnes, même d’une grande piété, ne peuvent pas se désintéresser des choses de ce monde et demandent des avantages de toutes sortes, comme moi surtout, et vous le savez mieux que personne ; mais je les demande non seulement pour moi, mais aussi pour les autres. Dieu connaît bien l’état de mon cœur, ainsi que mes plus secrètes pensées.

Parmi les choses que l’on demande, il y en a parfois de si injustes, qu’il n’y a rien d’étonnant à ce qu’on ne les obtienne pas, et c’est d’être exaucé que de ne pas les avoir, quoiqu’on en murmure.

Cependant il n’y a pas non plus à se dissimuler que l’on demande quelquefois des choses parfaitement justes et qu’on ne les obtient pas davantage. Pourquoi ? Il y a plusieurs raisons : l’une d’elles provient de ce que nous demandons quelquefois des choses qui, à notre insu, doivent nous être nuisibles, et plus tard il arrive que l’on se félicite de n’avoir pas reçu ce que l’on avait demandé avec tant d’ardeur. Mais il y a encore un autre élément à faire entrer en jeu : on se figure trop souvent la prière comme une simple demande que Dieu doit nous accorder sans aucune participation de notre part. Quand nous voulons obtenir un résultat, il faut que nous nous donnions quelque peine, et souvent par paresse ou négligence, nous ne prenons pas ce que Dieu nous donne réellement. Un exemple : telle personne a demandé de pouvoir éviter la saisie et l’expulsion dont elle était menacée ; elle a prié, puis elle est allée chez son propriétaire qui lui a donné du temps ou même a payé à sa place. Si au lieu d’aller, elle était restée chez elle, attendant que sa prière soit exaucée, elle aurait subi la catastrophe et aurait cru que Saint Antoine ou tout autre saint imploré n’aurait rien fait pour elle. En réalité, elle a eu l’intuition d’aller chez le propriétaire, et ce dernier s’est senti poussé à aider sa locataire ; ce qui, paraît-il, était tout à fait contraire à ses habitudes. Voilà ce que Dieu a donné. Si ladite personne était restée chez elle, si elle n’avait pas tenu compte de son intuition, elle n’aurait pas pris ce que Dieu lui donnait. C’est là le véritable sens du proverbe : Aide-toi, le Ciel t’aidera.

Ce cas est beaucoup plus fréquent qu’on ne croie : c’est à nous à prendre au passage les occasions qui se présentent, à profiter de ce que Dieu mystérieusement nous envoie. La vie n’est que de l’occultisme invisible : il faut tenir compte de l’invisible. Souvent vous demandez quelque chose à Dieu qui vous l’accorde ; mais l’Adversaire multiplie les obstacles et vous êtes condamné à la lutte à outrance : c’est ce qui constitue les cas difficiles.

Mais en quoi consiste la lutte ? En bien peu de chose, mais ce peu de chose est énorme : l’Adversaire nous décourage, nous montre l’impossibilité d’obtenir ce que nous demandons, il nous enlève toute confiance. Si nous ne réagissons pas, si nous désespérons, l’Adversaire nous enlève ce que Dieu nous avait donné.

N’oublions pas que les trois vertus théologales nous sont indispensables pour lutter contre l’Adversaire : la Foi, dont le Christ nous a dit qu’elle déplace les montagnes ; l’Espérance, qui est une confiance en Dieu tellement grande qu’elle nous sert de bouclier contre toutes attaques de l’Adversaire et les rend vaines ; et la Charité, ou amour de Dieu et du prochain. Comment pourrions-nous demander une faveur à quelqu’un que nous n’aimerions pas, ou qui saurait que vous détestez l’un de ses enfants ?

Mais la vertu la plus difficile est certainement l’Espérance. Il faut avoir la patience et la persévérance. Quand on invoque un saint, nous devons espérer qu’il intercédera pour nous, que nous obtiendrons ce que nous lui demandons. Ce qui est bien mon cas, pour moi, pauvre malheureux, qui demande sans cesse et conserve espoir sans faiblir jamais. Avec cette espérance, je puis continuer la lutte ; sans elle, le découragement s’empare de vous et vous donnez des armes à l’Adversaire ; car en priant avec l’arrière-pensée que nous n’obtiendrez rien, vous n’avez plus le droit d’accuser n’importe quel Saint : c’est à vous-même qu’il faut vous en prendre de votre insuccès. Sans confiance il n’y pas de prière agréable à Dieu, tandis que le découragement et le désespoir sont la soumission aux Puissances Ennemies, soumission d’autant plus grande que l’on renouvelle et augmente leurs droits, car ce que Dieu nous a donné, on le leur offre, consciemment ou inconsciemment : peu importe, le résultat est le même.

Mais on ne pense pas à tout cela : on prie et on attend la bouche ouverte. Si les cailles n’y tombent pas toutes rôties, on accuse Dieu d’être mauvais père. Il n’est pas rare de voir des gens comblés de tous les bienfaits de Dieu proclamer qu’ils ont beau prier et qu’ils ne reçoivent rien. Ceux-là offensent Dieu et méritent que ce qu’ils ont leur soit ôté.

Pour moi, je n’accuse que moi-même de l’insuccès que j’éprouve et de la persistance bien déplorable de ma situation présente – Malheur à qui se repose sur un bras de chair !

Enfin il faut tenir compte de ce que beaucoup croient avoir la foi, et n’ont qu’une simple crédulité qui frise la superstition…

En résumé, il est une chose bien consolante : c’est que Dieu donne toujours . Vous avez demandé à réussir dans une entreprise et vous échouez piteusement : ne croyez pas que Dieu ne vous ait rien donné. Il n’a dépendu que de vous, si vous n’avez pas réussi, soit pour une des raisons que je viens d’indiquer, soit pour tout autre motif ; mais votre trésor de grâce s’est enrichi et vous le retrouverez un jour, soit en cette vie, soit dans l’autre. Qui sème maintenant récoltera plus tard. L’essentiel est de mener une vie intellectuelle et spirituelle, de ne pas s’enliser dans la matière. Une prière, dite du fond du cœur, en esprit et en vérité, n’est jamais perdue. Sainte Thérèse dit : Ne ferait-on que lever les yeux au Ciel, avec un souvenir du cœur pour Lui, pour Dieu, il n’y a pas à craindre qu’Il laisse cette action sans récompense.

Quand nous demandons, sans malice, quelque chose d’injuste, inopportun ou ridicule, ou quand nous n’avons pas su prendre ce que Dieu nous donnait, la grande loi de la conservation de l’énergie est mise en mouvement : la grâce temporelle est transformée en potentielle, laquelle, à son heure, au moment voulu, se transformera en force active. C’est le secret de bien des réussites, dont on ne voit pas la cause.

Il n’y a de bonheur qu’en Dieu et nous ne le prions jamais en vain. Celui qui craint Dieu fera le bien, et celui qui est affermi dans la Justice possédera la sagesse. Humilions-nous sous la main de Dieu qui nous éprouve, jusqu’à ce qu’Il nous élève au temps de sa visite. Si nous vivons par l’esprit, conduisons-nous par l’Esprit. Ne faites rien sans prendre avis d’un homme honnête, éclairé et expérimenté : on a toujours besoin de conseils. Qui marche seul risque de s’égarer. N’agissez jamais sans préparatif, car ce serait se mettre en voyage sans réfléchir : ce qui est un manque de prudence. Évitez les extrêmes : ils sont toujours nuisibles. »



22/06/2009
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